Votre enfant se précipite aux toilettes dès qu'il franchit le seuil de la maison ? Il fait sans doute partie de ces nombreux élèves qui préfèrent se retenir toute la journée plutôt que d'utiliser les sanitaires de leur établissement. Une enquête Harris Interactive menée en 2023 révèle que huit enfants sur dix évitent d'aller aux toilettes à l'école.
Ce comportement est répandu, mais loin d'être anodin. Selon le docteur Michel Averous, urologue pédiatrique, il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique, comme il l'explique dans le magazine Parents. Se retenir de faire ses besoins de manière répétée peut entraîner des problèmes de santé. Comment les aider à surmonter ce blocage ?
Manque d'hygiène, d'intimité ou peur des moqueries : les raisons sont nombreuses. Selon l'enquête Harris Interactive, menée auprès de 612 enfants de 6 à 11 ans, 55% se plaignent de mauvaises odeurs, 48% trouvent les toilettes sales, et 53% les jugent trop froides.
Mais le problème va au-delà de l'inconfort. Dans le Huffington Post, Édith Maruéjouls, géographe spécialisée dans le réaménagement des sanitaires dans les écoles, affirme que les toilettes sont souvent le premier lieu de harcèlement à l'école. À l'écart des regards d'adultes, certains enfants y subissent moqueries ou chahuts : on tente d'ouvrir leur porte, on se moque d'eux parce qu'ils urinent assis, etc. Un enfant sur cinq interrogé dit avoir déjà été embêté dans les sanitaires.
À cela s'ajoute une pratique controversée : selon Le Figaro Étudiant, certains enseignants refusent l'accès aux WC pendant les cours – sauf en cas de problème médical – pour des raisons de sécurité. Une mesure désapprouvée par l'Éducation nationale, mais qui contribue à renforcer la réticence des enfants.
Les spécialistes sont unanimes : se retenir d'aller aux toilettes est néfaste pour la santé des enfants. Le docteur Michel Averous explique que "cela peut entraîner des infections urinaires, et même des troubles digestifs". Les enfants qui ne vont pas aux WC pendant le temps scolaire ont tendance à souffrir de maux de ventre, de constipations ou de diarrhées. Selon le sondage, 60% des enfants racontent avoir mal au ventre, tandis que 30% ressentent des brûlures au moment d'uriner.
Le docteur Andreas Werner, pédiatre, confirme sur Doctissimo. Retenir ses selles "peut engendrer une constipation, une encoprésie (émission de selles involontaires), des fissures anales…". Plus l'enfant se retient, plus les selles deviennent consistantes et la "douleur ressentie à l'émission de ces selles engendre une peur d'aller de nouveau aux toilettes". Un cercle vicieux parfois difficile à rompre : "On doit parfois prescrire des laxatifs pendant des années aux enfants".
Les parents ont un rôle clé à jouer pour améliorer le rapport de leur enfant aux toilettes scolaires. Tirer la chasse, ne pas gaspiller de papier toilette, éviter de jouer avec l'eau… autant de gestes simples qui permettent de maintenir des sanitaires plus propres pour tous.
Le docteur Michel Averous recommande également de rappeler à son enfant d'aller uriner régulièrement, même s'il n'en ressent pas l'envie. Rester plus de trois heures sans vider sa vessie peut avoir des conséquences sur sa santé. Si votre enfant refuse toujours d'utiliser les WC de l'école, engagez le dialogue. Parfois, une simple gêne ou une timidité peut être levée en en parlant à l'enseignant.
Les établissements scolaires ont aussi leur part de responsabilité. Pour Édith Maruéjouls, une des pistes est de réorganiser les sanitaires non plus par genre, mais par âge, afin de préserver l'intimité des plus jeunes et réduire les tensions liées au harcèlement. Ce dispositif a déjà été testé à Bram dans l'Aude.
Au-delà de la mixité, cette spécialiste recommande la suppression des urinoirs et l'installation de cabines fermées du sol au plafond, pour garantir plus d'intimité et de sécurité : "des mesures essentielles pour améliorer l'intimité et la sécurité des élèves dans les toilettes scolaires".