Alexy Schor, coordinateur du pôle prévention de l’association E-Enfance, alerte sur les dangers numériques qui touchent les enfants dès le primaire, et donne aux parents des clés pour les protéger sans tomber dans la surveillance excessive.
L'association E-enfance 3018 est une association qui existe depuis 2005 maintenant. C'est une association de protection de l'enfance concernant les violences numériques, le harcèlement en milieu scolaire, le cyberharcèlement. Je suis coordinateur du pôle prévention et intervenant également.
Nous, on sensibilise depuis le CP. On sait qu’en moyenne, les enfants font leurs premiers pas sur Internet vers 5 ans et 10 mois, et qu’à 6 ans et 10 mois, ils sont déjà autonomes. Il faut leur parler dès qu’ils sont capables de comprendre.
Dès le primaire, il y a l’accès aux réseaux sociaux, alors que c’est interdit avant 13 ans. Ils sont exposés à des contenus violents, hypersexualisants, à de la désinformation. Il y a aussi beaucoup de groupes WhatsApp où peuvent circuler des insultes, des moqueries. On rencontre aussi des cas de grooming, où un adulte manipule un enfant pour obtenir des faveurs sexuelles. Et puis la pornographie, souvent vue accidentellement, qui peut provoquer de vrais traumatismes.
Au collège, les risques sont les mêmes mais amplifiés. Il y a une explosion du revenge porn à partir de la 4e. Les filles sont souvent victimes de chantage à la photo, les garçons plutôt de demandes d’argent. On voit aussi beaucoup de contenus sexistes et masculinistes qui influencent très jeunes.
Oui. Au collège, il y a une dimension plus intime, liée à la puberté. Et aussi un enjeu autour de l’esprit critique, avec la montée des contenus sexistes ou complotistes.
Le harcèlement est souvent invisible pour les adultes, car il repose sur des dynamiques de groupe. Les signes sont les conséquences : changement de comportement, repli, anxiété, refus répété d’aller à l’école. Il ne faut pas juger les parents qui ne voient pas. Statistiquement, il y a plus de chances que votre enfant soit auteur que victime.
Il faut d’abord lui dire que ce n’est pas sa faute et ne pas avoir un réflexe de jugement. On peut conseiller à son enfant d’en parler à un adulte de confiance s’il ne se sent pas à l’aise d’en discuter directement avec les parents. En revanche, supprimer les réseaux, c’est une double peine. Mieux vaut signaler les contenus, bloquer les auteurs, se rapprocher de l’école et contacter le 3018, par téléphone ou via l’application.
Il faut accepter l’information, ne pas le prendre personnellement, et ne pas nier. Un enfant harceleur n’est pas un sociopathe. Ce qui compte, c’est qu’il comprenne les conséquences de ce qu’il a fait. L’école peut aider, mais les parents peuvent proposer des actions. L’enfant peut s’excuser s’il comprend ce qu’il a fait, et réparer. Ce n’est pas une question de politesse, mais de citoyenneté. On conseille plutôt une sanction du type : exposé ou travail écrit sur le harcèlement, ses conséquences et les condamnations juridiques notamment.
C’est 13 ans. Il n’y a pas de sanction pour les enfants ou les familles, mais les plateformes sont responsables. Certaines commencent à utiliser l’IA pour vérifier l’âge, mais il y a des enjeux de protection des données.
Il faut se mettre en compte privé, faire attention à qui on parle. Une photo, c’est une donnée personnelle. Même un dessin peut être moqué. On peut aussi poser des questions : pourquoi tu veux faire cette vidéo ? pourquoi tu veux la poster ? Il faut les aider à réfléchir.
Certaines parents partagent aussi des photos de leurs enfants : il faut être cohérent dans l’éducation. On peut mettre en place un cadre, mais il faut le construire avec l’enfant. C’est plus efficace pour lui apprendre l’autonomie. Par exemple, des tickets avec du temps d’écran pour la semaine. Les contrôles parentaux peuvent être mis en place mais l’idée n’est pas de ne laisser que 10 minutes de temps d’écran par jour ! C’est plutôt pour éviter que l’enfant ne tombe sur des contenus non adaptés à son âge. Et certaines règles doivent être valables pour tout le monde : pas de téléphone à table y compris pour les adultes.
De nombreux enfants y sont exposés dès le primaire ou le début du collège. Il faut expliquer que ça existe. Si on n’en parle pas, Internet le fera à notre place. Pour les plus jeunes, on peut dire que ce sont des adultes dénudés. Et nommer les parties du corps avec les bons mots. Parler de consentement, dès la maternelle, à travers des situations simples. Pour les adolescents, on peut intégrer la notion de respect et de plaisir dans les relations.
Les contrôles parentaux permettent de filtrer en partie, mais pas tout. Ils existent sur les moteurs de recherche, avec des mots-clés, des safe search. Mais le plus important reste la sensibilisation. Les contrôles ne filtrent pas tout mais diminuent les risques.
Dans certains jeux vidéos, on peut payer pour du contenu exclusif (costumes, armes…) ou des systèmes comme les lootboxes, des récompenses aléatoires, qui fonctionnent comme un casino. Certains jeunes mettent des centaines d’euros. Il ne faut pas enregistrer sa carte bancaire sur la console ! En revanche, on peut utiliser des cartes prépayées (disponibles à la FNAC ou Micromania par exemple) pour leur donner un budget à gérer.
Si vous vous sentez dépassé, contactez le 3018 ou utilisez l’application. C’est gratuit, anonyme, ouvert tous les jours avec des vrais êtres humains derrière. Sinon, le site d’E-enfance rassemble beaucoup de ressources fiables pour aiguiller sur ces sujets-là. Comme le site : https://jeprotegemonenfant.gouv.fr/